Après une formation aux Arts-déco de Strasbourg, Laure Dorin travaille en étroite collaboration avec Karambolage (Arte) pour qui elle a déjà réalisé une dizaine d’animations. Jonglant entre animation et illustration, Laure vient de rejoindre Agent 002.
autoportrait
Agent 002 : Quel a été le point fort de ta formation aux Arts décoratifs de Strasbourg (aujourd’hui rebaptisés Haute école des arts du Rhin) et fais-tu une différence entre une approche didactique ou créative dans ta manière d’aborder une image ?
Laure Dorin : J’ai suivi l’option Didactique visuelle aux Arts Décoratifs, et il me semble que son point fort tient du fait qu’elle laisse champ libre au support artistique. L’idée est de transmettre un savoir, un apprentissage, un propos didactique, à nous de trouver le medium qui nous conviendra le mieux. Certains axent sur le graphisme, d’autres davantage sur l’illustration, la photo ou encore la vidéo, mais l’idée de fond reste la même, le propos didactique. Je ne fais pas de différence entre une approche didactique et créative car l’une me paraît inhérente à l’autre et le processus est le même : trouver l’idée puis le meilleur moyen de l’exprimer.
Orange 4G – réseaux sociaux (agence Marcel)
Agent 002 : Peux-tu nous parler de ta collaboration régulière avec Arte sur les films de Karambolage et le processus créatif habituel ?
Laure Dorin : On trouve rarement une collaboration aussi évidente que celle-ci, car j’ai véritablement carte blanche ! J’ai souvent le choix entre plusieurs textes écrits par les auteurs de Karambolage, et de celui qui m’inspire, je reçois l’enregistrement de la voix-off. À partir de là, je découpe le texte dans ses points forts et j’essaye de trouver une idée forte qui filera sur toute l’animation. Pour « l’assiette à salade », j’avais envie de travailler sur le motif, pour différencier la France de l’Allemagne.
- Karambolage – storybard du sujet « l’assiette à salade »
Pour le mariage franco-allemand, comme le propos était très administratif, j’ai pensé toute l’animation sur l’idée du parcours du combattant et du jeu vidéo. Quand je tiens mon fil conducteur, je croque un storyboard, puis je me nourris d’images, proches du thème ou non, et de références personnelles. Je travaille ensuite assez longuement ma palette de couleurs (même si je retombe souvent dans les mêmes), comme à l’ancienne, car c’est sur elle que je m’appuie pour garder une unité dans l’ensemble de l’animation. Je fais d’ailleurs des captures d’écran tout au long de la création de l’animation pour pouvoir en avoir un aperçu général sous forme de storyboard, et c’est ce qui me permet de ne pas m’éloigner de mon ambiance graphique, ce qui est le risque quand on travaille plus d’un mois sur un projet.
Karambolage – « le mariage franco-allemand »
L’équipe de Karambolage m’attribue définitivement le texte après avoir visualisé 20 secondes d’animation, j’envoie ensuite régulièrement l’évolution de mon travail. J’ai énormément appris grâce à Karambolage. Claire Doutriaux a beaucoup d’expérience et maitrise parfaitement le contenu de son émission, et c’est grâce à elle et son équipe que depuis les premières animations j’ai notamment fait évoluer mes personnages et apporté davantage de soin à la qualité de mes transitions. Les corrections qu’elle me demande sont toujours très justes, c’est extrêmement agréable de travailler avec un client qui ne te demande pas de changer la couleur du fond parce qu’il lui rappelle le napperon de sa grand-mère, et c’est surtout inestimable qu’il te permette de progresser.
Agent 002 : Quelles sont tes sources d’influence et vers qui vont tes admirations dans ce métier ?
Laure Dorin : Mes sources d’influence viennent de plein de choses qui n’ont rien à voir et qui se télescopent : les jeux vidéo de mon enfance, les dessins animés russes (dont « Le petit cheval bossu »), les gravures anciennes, l’imagerie didactique surannée, les illustrations des années 50-60… Pour le coté « histoire de l’art », ce sont les estampes japonaises, l’Art Nouveau, les affiches constructivistes, Klimt… et plus récemment Raoul Dufy pour qui j’ai eu véritable coup de cœur il y a quelques années avec l’exposition organisée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Il y a une spontanéité et une fraîcheur dans ses œuvres qui me donnent envie de dessiner là, maintenant, tout de suite.
Je suis naturellement attirée par des images très colorées, comme les dessins de Mary Blair pour Walt Disney, les aquarelles de Brecht Evens, les tableaux de David Hockney. Très souvent ce sont des images qui associent aplats de couleur et détails minutieux qui attirent mon attention. Depuis quelques jours c’est le collectif Hell’o Monsters qui a toute mon admiration.
Orange 4G (extrait)
Mes parents ont tenu pendant une quinzaine d’années un magasin de jeux de société, et j’ai beaucoup joué aux jeux vidéos avec mes frères, je crois que l’univers du jeu influence mon travail : J’aime le graphisme des plateaux de jeux et des cartes à jouer, celles très colorées du jeu « 1000 bornes » etc. Surtout, ça a influencé ma manière de travailler. Je suis joueuse, alors j’essaye de me challenger et de me trouver un défi pour chaque nouveau projet, pour m’amuser à chaque fois.. Ça tient souvent à peu de choses, une couleur que je n’utilise jamais par exemple, comme le vert de l’animation sur le langage des signes !
Agent 002 : Quel serait le boulot de rêve te concernant ?
Laure Dorin : Conceptrice de nuages moutonneux. Non, créatrice de couleurs pour poissons abyssaux.
Plus sérieusement, je crois que je n’en suis pas loin, à un détail près, le statisme. En fait mon boulot de rêve serait le mien mais en plus mobile. Il faudrait que je puisse travailler en marchant et que je puisse à tout moment dire « gogogadjectoboulot » pour sortir un ordinateur. Et en même temps je me dis que ce n’est pas vraiment impossible non plus. Cette question me trouble.
Agent 002 : As tu un super pouvoir, et si oui, lequel ?
Laure Dorin : Celui de travailler en marchant, j’ai trouvé une solution entre temps.