IRIS HATZFELD : dessins au fusain

Iris Hatzfeld vient de réaliser une couverture pour The Parisianer. L’occasion de lui poser quelques questions sur ses portraits en noir et blanc.

Revenons tout d’abord sur The Parisianer, un projet d’illustration de la Lettre P mené par Aurélie Pollet et Michael Prigent. Ce recueil de couvertures d’un magazine imaginaire a été tout d’abord édité par Les Editions Michel Lagarde, avant de sortir aux Editions 10/18 en novembre 2014. Iris nous parle de la couverture qu’elle a dessinée, et nous en dit plus sur son travail au fusain.

iris hatzfeld couverture parisianer

Peux-tu nous présenter ton travail sur la couverture de The Parisianer ?
J’ai été très heureuse d’être appelée à participer à ce projet. J’étais allée voir leur première exposition en décembre 2013 et j’avais adoré. Pour ce travail, j’ai voulu reproduire l’atmosphère nocturne et urbaine de mes dernières séries au fusain. J’associe Paris aux vieilles brasseries à la fois chics et populaires. On peut toujours y passer tard dans la nuit pour boire un verre de blanc au comptoir et faire un brin de causette avec le barman. J’ai commencé par chercher une belle brasserie bien distribuée, pas trop grande. Je suis vite tombée chez Gallopin, à Bourse. L’endroit est magnifique et assez ramassé. Tout est d’époque. C’est une amie qui a posé. Une belle fille au sourire enjôleur. On a passé la soirée au comptoir et vers la fin j’ai pris cette photo. Elle est adossée au chariot à tartare en argent. Derrière elle on voit les chapelières en cuivre, les meubles en acajou. L’équipe a été très patiente avec nous.

portrait fusain

D’une manière plus générale, peux-tu nous parler de la manière dont tu travailles tes personnages en noir et blanc ?
Je travaille à partir de photos, que je trouve ou que je prends moi-même. Le visage est secondaire, généralement c’est vraiment l’attitude qui compte, et la façon dont le personnage prend la lumière. Le fusain est un outil assez épais, aussi je l’utilise pour les valeurs principales. Les détails et autres rehauts se font à la gomme. Pour moi, elle est un peu comme un crayon. Les personnages au second plan racontent de petites histoires en aparté.

iris hatzfeld illustration

Peux-tu nous décrire ton processus typique de réalisation d’une illustration, entre le moment où tu reçois le brief du client et celui où tu délivres l’image finale ?
Dans l’idéal, le client a déjà une idée en tête. On discute et je fais des premiers croquis qui sont aussi l’occasion de soulever des divergences ou de préciser notre projet. Quand on tombe d’accord sur un croquis et sur la technique à utiliser, je fais le dessin et voilà ! C’est un peu comme quand on repeint chez soi, on passe du temps à préparer le terrain, mais quand la peinture est lancée, on fonce.

illustration jack nicholson

Comment travailles-tu sur la composition de tes illustrations de personnages ?
J’essaie de leur donner du rythme. Sur la couverture de The Parisianer, j’ai composé de façon à ce qu’on ait de la profondeur, des lignes qui se répondent, et des détails à regarder. L’espace se divise principalement en deux. Il y a cette lumière frontale du flash qui aplatit et cerne de noir le personnage principal. Autour, la lumière est plus douce. Elle crée des modelés, donne du volume, rebondit et joue sur les éléments du décor. Dans mes dessins, j’aime que les chromes soient bien briqués !

dessin en noir de personnages et blanc

Parle nous de l’évolution de ton travail au cours de ces dernières années…
Je travaille plus vite qu’avant !

illustration au fusain

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Je travaille entre autres sur l’affiche d’Il est difficile d’être un Dieu, d’Alexeï Guerman. C’est un film russe en noir et blanc qui mêle cadre moyen-âgeux et science-fiction ! J’illustre aussi le site internet du talentueux Marin Montagut qui fait les guides Bonjour Paris, NYC, Londres, etc. Tout sera en papiers découpés animés dans un univers inspiré du Douanier Rousseau.

iris hatzfeld cybill sheperd

Plus d’images de Iris Hatzfeld.

Entretien avec Iris Hatzfeld

Après un DESS d’Histoire de l’art à la Sorbonne, Iris Hatzfeld, férue de dessin depuis la lecture de ses premiers « Fantômette », crée en autodidacte des animations dans le style spontané d’une esquisse en mouvement. Elles entraîneront son premier contrat avec Warner Music France.
Elle a depuis collaboré avec La Mutuelle Générale, Baby Dior, et Ines de la Fressange pour qui elle réalise depuis plus d’un an les animations des « Carnets d’Ines » chez Roger Vivier, tout en menant une recherche personnelle de dessinatrice, visible dans des magazines tels que Sang Bleu, Frédéric magazine ou l’Officiel de la Mode.
Elle a rejoint le département Studio d’Agent 002 en mai 2010.

Agent 002 : quel est ton parcours et comment es-tu arrivée à l’illustration et l’animation ?

Iris Hatzfeld : Parallèlement à des études d’Histoire de l’art à la Sorbonne, j’ai suivi des cours du soir dans une académie de dessin. Je tenais des carnets d’expositions dans lesquels je croquais beaucoup. Mes amis ont commencé à me demander de faire des visuels pour leurs soirées. À la fin de mes études, j’ai rencontré Marc di Domenico, fondateur du label Palass. Il était tombé sur les quelques secondes d’animation que j’avais réalisées jusque-là pour le collectif Promiscuita. Il m’a proposé de réaliser le clip du premier single, « le Gang », des BB Brunes, un petit groupe de rock qui venait de faire un carton aux « Rock’n’Roll Fridays » du Gibus. J’ai accepté sur un coup de tête. Quelques semaines plus tard j’avais réalisé un clip diffusé en boucle sur MTV! C’était drôle et inattendu.

image tirée du clip « le gang » des BB Brunes

J’ai choisi de poursuivre dans cette voie. A côté de l’animation, j’ai continué à dessiner, à proposer ma contribution à des magazines qui m’intéressaient. Le très beau Sang Bleu fut l’un des premiers et des plus stimulants avec une série au fusain sur le thème de l’hiver nucléaire.

Magazine Sang Bleu – l’hiver nucléaire

Suite à la publication d’une série de portraits sans visage sur le site de Frédéric Magazine, Adrien Pelletier m’a demandé d’illustrer « les Nouvelles à la loupe » de Nicolas Bedos dans l’Officiel de la mode. Les commandes donnent l’occasion de varier techniques et supports.

L’Officiel de la mode – David Bowie

L’habillage du site de vente en ligne de vêtements pour enfants Little French fut l’occasion, par exemple, d’illustrer sur ordinateur un univers enfantin.

Little French

Agent 002 : quelles sont tes influences et tes inspirations ?

Iris Hatzfeld : Mes premières héroïnes étaient dessinées: les filles audacieuses et sexy de Cat’s Eyes, Lamu, Fantômette par Josette Stefani: j’avais envie de faire partie de leur bande et par extension c’est en les regardant que j’ai commencé à dessiner. Les princesses diaphanes d’Adrienne Ségur me fascinaient. Je restais également plongée de longs après-midis dans les albums de Moebius. Aujourd’hui le travail de David Hockney  m’intéresse beaucoup. Je reviens de son exposition au Guggenheim de Bilbao qui est splendide, très inventive. Son usage de l’Ipad est d’une ingéniosité saisissante. Il m’a donné l’idée,  l’année dernière, d’entamer une série de portraits au doigt sur Iphone.
Parmi les réalisateurs d’animations, j’aime Saul Bass et John Whitney.

Portrait réalisé par Iris sur I-phone – « Hugues »

Agent 002 : Parle-nous de ta collaboration depuis quatre ans aux « Carnets d’Ines »  pour le site du chausseur Roger Vivier.

Iris Hatzfeld : Ines de la Fressange était l’ambassadrice des souliers Roger Vivier depuis quelques années. Elle avait déjà ce projet en tête quand elle a rencontré Marin Montagut, le futur réalisateur des Carnets. Son idée de départ était de  présenter ses meilleures adresses à Paris dans un format court et sur un ton léger. Marin lui a montré nos réalisations associant vidéo et animation. Il fallait que les animations apportent de la fantaisie et un peu de désordre, comme des croquis sur un carnet de bord. Je m’amuse beaucoup à détourner le support vidéo avec des dessins, à faire dialoguer les deux avec humour. On a commencé il y a déjà 4 ans. Aujourd’hui les Carnets ont du succès et on vient de lancer les Amis d’Ines, sa version internationale avec un nouveau générique animé et dans chaque ville une invitée de choix. L’équipe de Roger Vivier nous laisse très libres et nous travaillons dans un climat de confiance.

les animations d’Iris pour les carnets d’Ines sont à découvrir ici : http://www.rogervivier.com/fr/#/les-carnets-d-ines

Agent 002 : Tes projets en cette rentrée 2012 ?

Iris Hatzfeld : Je viens de terminer une campagne de rentrée 2012 pour la Mutuelle Générale. Une douzaine d’animations pour internet et deux pour la télévision.

La Mutuelle Générale – campagne 2012

Juste avant, j’ai réalisé une série de dessins aquarellés pour des brochures Baby Dior qui sont actuellement distribuées en boutiques.

Baby Dior

Les Carnets continuent avec un épisode parisien de rentrée et des vidéos habillées autour de l’ouverture de la boutique Roger Vivier à Pékin. Actuellement, je travaille sur la pochette du second EP de Cinéma pour Adulte et sur une publicité psychédélique en animation, pour une marque de maquillage imaginaire. Je rêve de réaliser un générique de film cette année.

Agent 002 : Iris, as-tu un super-pouvoir ?
Iris Hatzfeld : Oui ! Je ne rate jamais mon risotto.